L’union de l’atteinte des indicateurs clés de rendement et des responsabilités d’enseignement de chaque pharmacien


Lalitha Raman-Wilms

Les programmes de doctorat de premier cycle en pharmacie (Pharm. D.) mettent l’accent sur des connaissances et des compétences cliniques avancées afin que les diplômés soient capables et confiants lorsqu’ils prodiguent des soins directs aux patients dans divers milieux de pratique. L’une des composantes principales du programme de quatre ans est la formation expérientielle qui comporte des stages tout au long des études, d’une initiation au départ à un apprentissage sur le terrain progressivement plus approfondi1. Ces programmes devront offrir plus de stages, qui procureront des expériences plus vastes, plus nombreuses et plus sophistiquées. Afin de créer un cadre de formation efficace pour les étudiants et de pourvoir à un nombre croissant de stages, certains programmes éducatifs ont indiqué qu’ils aimeraient que les étudiants puissent « ajouter de la valeur » aux milieux professionnels en contribuant aux soins des patients. Cet apport permettrait de compenser le poids croissant des obligations incombant aux pharmaciens-précepteurs qui doivent offrir des expériences améliorées à un plus grand nombre d’étudiants. Afin d’apporter une contribution vraiment efficace aux soins des patients, les étudiants devront assumer des responsabilités de soins directs aux patients.

Les établissements d’enseignement, les milieux d’exercice et les associations professionnelles ont proposé différentes stratégies visant à faciliter cette formation améliorée. Des modèles de résidence en pharmacie et de formation étudiante ont souligné l’importance que les résidents et les étudiants prennent en charge des activités de soins aux patients reconnues pour améliorer les résultats thérapeutiques2. L’Université de la Caroline du Nord a suggéré un modèle de pratique avec apprentissage hiérarchique [traduction libre de : « layered learning practice model »] dans lequel chaque étudiant et résident en stage devient une sorte de « rallonge du pharmacien », prodiguant des soins sous la direction d’un pharmacien traitant qui assume la responsabilité d’ensemble3.

Dans ce numéro du Journal, Gorman et Slavik4 de même que Fernandes et ses collaborateurs5 débattent de l’importance des indicateurs clés de rendement relatifs à la pharmacie clinique (ICRpc) en tant que composante d’évaluation du rendement de chaque pharmacien. Un ICRpc est une activité qui représente une pratique souhaitée liée aux soins directs aux patients et qui est « associée à des preuves d’incidence sur des résultats thérapeutiques tangibles » [traduction libre]5.

Fernandes et ses collaborateurs6 ont utilisé un processus pancanadien d’établissement d’un consensus afin de définir huit ICRpc, portant plus particulièrement sur le bilan comparatif des médicaments à l’admission et à la sortie; les tournées de soins interprofessionnelles auprès des patients; le nombre de patients ayant des plans de soins pharmaceutiques élaborés; le nombre de problèmes pharmacothérapeutiques résolus; le pourcentage de patients recevant des soins globaux et proactifs par un pharmacien travaillant avec une équipe; et les conseils au patient pendant son séjour à l’hôpital et à sa sortie.

Les indicateurs de rendement ont été utilisés dans différents types de travaux et de situations. Ils représentent des objectifs qui aident à atteindre et à maintenir un niveau attendu de pratique; en situation médicale, ils offrent des mesures quantitatives de la qualité des soins. Dans le milieu pharmaceutique, les indicateurs de rendement servent de références permettant aux pharmaciens de « recentrer et de prioriser leurs efforts à l’égard des soins aux patients » [traduction libre] vers des activités reconnues pour avantager et influencer des résultats importants5. Lorsqu’ils sont utilisés à grande échelle, ils peuvent favoriser une attitude de responsabilité professionnelle en matière de soins aux patients. Par contre, lorsque les ressources sont limitées, bon nombre d’établissements et de pharmaciens éprouveront de la difficulté à étendre les services en place ou à en inclure de nouveaux afin de satisfaire aux ICRpc établis, tout en amplifiant aussi la formation expérientielle des étudiants.

S’il y a consensus (à l’échelle nationale, provinciale ou régionale) à propos des bienfaits des ICRpc, comment aider les établissements et les pharmaciens d’hôpitaux à en adopter l’utilisation tout en les aidant aussi à accroître leur charge d’enseignement aux futurs praticiens? Est-il possible de créer des partenariats novateurs entre les établissements d’enseignement et les pharmaciens actifs? Des partenariats où les étudiants effectuant des stages avancés en pharmacie posséderont un niveau minimum préétabli de connaissances et de compétences nécessaire pour prodiguer des soins aux patients, ce qui leur permettra d’agir positivement sur les résultats thérapeutiques et ainsi d’aider les pharmaciens à répondre aux exigences des ICRpc. De tels partenariats, auxquels s’ajouterait un soutien adéquat des établissements d’enseignement aux précepteurs et aux milieux, pourraient-ils permettre aux pharmaciens hospitaliers de mieux respecter les indicateurs de rendement tout en assurant aux étudiants un apprentissage de qualité?

Aux Hôpitaux de l’Université de la Caroline du Nord, le modèle de pratique avec apprentissage hiérarchique a permis à la fois d’accroître les occasions éducatives pour les étudiants et d’augmenter de façon marquée le nombre de services pharmacothérapeutiques offerts par la pharmacie, ce qui s’est traduit par une amélioration de l’ensemble des soins aux patients7. Parmi les services améliorés grâce à la participation étudiante, on compte la collecte des histoires médicamenteuses ainsi que l’offre de conseils au moment du congé. Dans l’une des unités à l’étude, ce dernier service a explosé, passant de 0 % à 78 %! Là où ces services étaient déjà en place dans l’établissement, le nombre de patients recevant ces services a augmenté de façon importante. Par exemple, le taux de bilan comparatif des médicaments à l’admission dans l’une des unités à l’étude a haussé de 45 % à 100 % lorsque les étudiants étaient inclus dans l’équipe. De la même manière, on a observé une importante augmentation des ajustements pharmacothérapeutiques à l’admission, qui sont passés de 22 % à 40 %7.

Pour que des modèles selon lesquels les étudiants prennent en charge des responsabilités de soins aux patients, comme celui de l’apprentissage hiérarchique, puissent bien fonctionner, l’établissement d’enseignement et le milieu de formation hospitalière doivent s’entendre sur les compétences et concepts clés que les étudiants doivent maîtriser avant le début du stage. De plus, permettre aux étudiants de participer à des stages longitudinaux peut être avantageux pour eux et pour le milieu, car les étudiants seront plus à l’aise et ils apprendront mieux.

Avec l’élaboration d’ICRpc canadiens et la mise en œuvre de nouveaux programmes de Pharm. D., le temps est venu pour les établissements d’enseignement et les services de pharmacie des hôpitaux de poursuivre les discussions nationales sur ce à quoi le modèle de formation canadien devrait ressembler et ce à quoi il est raisonnable de s’attendre des étudiants qui effectuent des stages avancés en pharmacie. La discussion a été amorcée lorsque les associations nationales se sont rencontrées en 2012 pour parler de l’avenir de la formation expérientielle en pharmacie au Canada8. À ce jour, la discussion a surtout porté sur les modèles expérientiels cherchant à accroître la capacité et les appuis nécessaires aux précepteurs. L’une des actions nationales prioritaires retenues lors de l’atelier en 2012 était l’ « identification et la promotion des moyens par lesquels les étudiants peuvent ajouter de la valeur aux organisations hôtes » [traduction libre]. Comme certains programmes de Pharm. D. s’apprêtent à administrer très bientôt leurs stages avancés, il est urgent de reprendre les discussions sur les meilleurs moyens à prendre pour faire en sorte que les étudiants ajoutent de la valeur aux milieux professionnels et, ce faisant, qu’ils améliorent les soins aux patients, que les pharmaciens respectent les ICRpc et que la profession aille de l’avant. Il est tout aussi urgent de porter à un niveau national les discussions en cours au niveau local.

Références

1. Normes et directives pour l’agrément des programmes de formation professionnelle de premier cycle en pharmacie : entrée en vigueur en janvier 2013. Toronto (ON) : Le Conseil canadien de l’agrément des programmes de pharmacie; 2012. Publié au : http://www.ccapp-accredit.ca/site/pdfs/university/CCAPP_accred_Standards_degree_2012_French.pdf. Consulté le 15 janvier 2014.

2. Ashby DM. Permission granted [allocution en l’honneur de Harvey A. K. Whitney]. Am J Health Syst Pharm. 2011;68(16):1497–504. Erratum : Am J Health Syst Pharm. 2011;68(19):1769.
cross-ref  pubmed  

3. Pinelli NR. The layered learning practice model : toward a consistent model of pharmacy practice [résumé]. Bethesda (MD) : ASHP Research and Education Foundation. Publié au : http://www.ashpfoundation.org/PinelliAbstract. Consulté le 15 janvier 2014.

4. Gorman S, Slavik R. Should key performance indicators be a component of performance assessment for individual clinical pharmacists? The “pro” side. Can J Hosp Pharm. 2014;67(2):165–6.

5. Fernandes OA, Le Piane F, Ahmed H, Toombs K. Should key performance indicators be a component of performance assessment for individual clinical pharmacists? The “con” side. Can J Hosp Pharm. 2014;67(2):166–8.

6. Fernandes O, Gorman S, Slavik R, Semchuk W, Doucette D, Bannerman H, et coll. What are the appropriate clinical pharmacy key performance indicators for hospital pharmacists? [résumé]. Pharmacotherapy. 2013; 33(10):e208.

7. Daniels R. Overcoming challenges to implementation—how to surmount the most significant hurdles? [présentation]. Congrès annuel de l’American College of Clinical Pharmacy; du 20 au 24 octobre 2012; Hollywood (FL).

8. Whetstone Consulting Inc. The future of pharmacy experiential education in Canada: a stakeholder workshop. Final report for review and consultation. Association des facultés de pharmacie du Canada; 16 novembre 2012 [révisé le 22 janvier 2013]. Publié au : http://www.afpc.info/content/final-report-future-pharmacy-experiential-education-canada-stakeholder-workshop. Consulté le 15 janvier 2014.


Lalitha Raman-Wilms , B. Sc. Pharm., Pharm. D., FCSHP est professeure agrégée et vice-doyenne, Programmes professionnels, Faculté de pharmacie Leslie Dan de l’Université de Toronto à Toronto, en Ontario. Elle est également rédactrice adjointe du JCPH .

Intérêts concurrents : D re Raman-Wilms est responsable de l’administration de la formation expérientielle des étudiants de la Faculté de pharmacie Leslie Dan de l’Université de Toronto.


Adresse de correspondance : D re Lalitha Raman-Wilms, Faculté de pharmacie Leslie Dan, Université de Toronto, 144, rue College, Toronto (ON) M5S 3M2, Courriel : l.raman.wilms.a@utoronto.ca

(Return to Top)


Canadian Journal of Hospital Pharmacy , VOLUME 67 , NUMBER 2 , March-April 2014