Zack Dumont
On considère souvent la coopération et la concurrence comme étant en opposition. Le désir d’une personne de coopérer avec d’autres pourrait cacher son désir de concurrence et vice-versa. Il existe également des questions relatives au contexte et à l’échelle: lorsque les enjeux sont mineurs, la personne qui s’entend généralement bien avec les autres aura peut-être tendance à s’engager dans une concurrence amicale. Tant que les intentions sont bonnes, les deux approches sont méritoires. Somme toute, la concurrence est un important facteur d’innovation, et peut-être le plus important qui soit. Par contre, quand il s’agit d’accomplir de grandes choses, la coopération a permis à l’humanité de réaliser des exploits.
Au-delà des débats sur les thèmes du marché et de la justice sociale, je vous invite instamment à observer les proportions que prennent actuellement la concurrence et la coopération dans notre monde. À l’échelle globale, j’observe une concurrence acharnée qui règne autour de l’émotion, du temps, de l’argent, de l’énergie, des suffrages et bien plus encore. La coopération est rarement érigée en modèle et à peine encouragée. La concurrence effrénée est capable de semer la division. Alors je pose la question suivante: où est l’équilibre?
Je ne veux pas présenter une fausse dichotomie. Comme c’est souvent le cas, la réalité présente différentes nuances de gris, de pour et de contre, et l’approche est primordiale. Dans un éditorial figurant ailleurs dans ce numéro, Bresee aborde l’interprétation des valeurs de p dans la recherche (J. Can. Pharm. Hosp. 2019; 72 [5]: 341–2). On nous rappelle que les valeurs de p continuent d’être utilisées pour créer des dichotomies dans l’esprit des lecteurs de littérature scientifique, autrement dit: « oui, une intervention est bénéfique » ou elle ne l’est pas. L’éditorial compare et met en contraste des philosophies opposées qui sont présentées dans deux publications récentes: la première souligne l’inefficacité et les dangers du seuil arbitraire de la valeur de p; l’autre s’appuie sur ce seuil comme mécanisme naturel à l’oeuvre dans la prise de décision en matière de soins de santé. Les deux arguments sont convaincants. Plutôt que de prendre parti, Bresee trouve un terrain d’entente et fait émerger une position commune. La concurrence permet d’approfondir notre compréhension, et la coopération favorise de plus grandes découvertes. Dans les soins de santé, les opinions et les prises de position abondent. En remettant en question l’idée qu’elles sont en porte-à-faux et en trouvant un point de convergence grâce à une empathie mutuelle, nous dépassons les différences et ce sont les patients qui en profiteront. C’est une voie plus difficile, mais les patients le méritent.
Dans ce numéro, nous apprenons davantage sur la population des Premières Nations du Canada, pour qui la communauté des soins de santé indique un processus de bilan comparatif des médicaments dépareillé (J. Can. Pharm. Hosp. 2019; 72[5]: 403–6). Heureusement, l’auteur, Swidrovich, fait part de solutions pratiques pour faciliter les efforts de leadership des pharmaciens de première ligne. L’article me rappelle l’engagement pris par la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux (SCPH) en octobre 2018, visant à répondre au rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Dans les mois à venir, les membres du personnel et les bénévoles de la SCPH mettront de côté la concurrence et coopéreront avec d’autres organismes pour créer quelque chose plus grand que n’importe quel plan stratégique, tableau de bord équilibré ou résultat financier.
Je vois ces efforts comme des signes que les prestataires de soins de santé s’affranchiront des tendances mondiales, ils s’efforceront d’élargir les cercles de la coopération en taille et en nombre et de réduire les domaines dans lesquels persiste la concurrence nuisible et non productive. La SCPH est le forum qui nous permet de nous rassembler et aucun autre cercle ne peut mieux représenter vos intérêts professionnels spécifiques. Étant donné le déséquilibre actuel de la concurrence auquel j’ai fait allusion un peu plus tôt, choisissons ensemble la coopération. Et encourageons les autres à se joindre à nous.
Ensemble, nous coopérerons. Nous lutterons, non les uns contre les autres, mais contre la maladie et l’inégalité. Nous nous efforcerons de voir les choses en adoptant la perspective des autres. Nous découvrions des liens qui unissent.
[Traduction par l’éditeur]
Canadian Journal of Hospital Pharmacy, VOLUME 72, NUMBER 5, September-October 2019