« Puissiez-vous vivre à une époque intéressante » : Réduire au minimum les facteurs de l’épuisement professionnel des pharmaciens


Glen Brown

La plupart des lecteurs reconnaîtront le titre principal de cet éditorial comme une sorte de malédiction qui aurait été inventée par un politicien britannique dans les années 1930. Bien sûr, l’ironie réside dans le fait que cette malédiction appelle en fait le destinataire à vivre des moments dangereux ou troublants. Nous, professionnels de la pharmacie, vivons actuellement une « époque intéressante », avec toutes les diverses connotations qu’implique le terme « intéressant ». L’éventail croissant et toujours plus complexe d’options pharmacothérapeutiques désormais disponibles (telles que les anticorps monoclonaux et les inhibiteurs de point de contrôle), le nombre croissant de conditions médicales non reconnues dans le passé pour lesquelles nos patients disposent désormais d’options de traitement, la complexité bureaucratique grandissante visant à obtenir un financement pour de nouvelles thérapies médicamenteuses et les frustrations occasionnées par le besoin de modifier les plans de soins en raison de la pénurie de médicaments : ce ne sont là que quelques-uns des défis « intéressants » auxquels les pharmaciens sont confrontés au jour le jour. Même si nous saluons la reconnaissance grandissante de leurs contributions à l’égard des soins aux patients et de leur indépendance croissante visant à les prodiguer, l’élargissement de l’éventail de nos responsabilités s’accompagne de coûts. L’épuisement professionnel en est un.

Dans ce numéro, Blue et al.1 nous livrent une preuve supplémentaire de la prévalence croissante de l’épuisement professionnel chez les pharmaciens d’hôpitaux, en particulier les pharmaciens canadiens. L’épuisement professionnel – une constellation de symptômes d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction du sentiment d’accomplissement personnel – est le processus mental provoqué par des facteurs de stress ingérables ou imprévus résultant du travail.2 Bien que les auteurs reconnaissent la petite taille de l’échantillon de l’étude (n = 171), leurs résultats suggèrent une prévalence élevée de certaines caractéristiques de l’épuisement professionnel chez les pharmaciens canadiens. Puisque l’épuisement a été associé au changement d’emploi ou de profession ou à une perte d’enthousiasme à l’égard de son emploi actuel,2 des efforts pour le réduire au minimum seraient bénéfiques autant pour la profession qu’à titre individuel. Alors, comment réduire ce syndrome?

L’épuisement professionnel peut être plus répandu chez les pharmaciens ayant des responsabilités professionnelles de plus en plus exigeantes (notamment la charge de travail clinique, l’enseignement, l’administration et la recherche), chez ceux présentant certaines caractéristiques démographiques (p. ex. le fait d’être en début de carrière ou d’être célibataire), ceux exhibant certains traits de personnalité (comme le type A ou une personnalité compétitive), ou ceux ayant des qualités et des désirs qui ne correspondent pas à ceux qu’exige le rôle actuel du pharmacien.3 Des stratégies sont nécessaires pour répondre à tous ces facteurs. Chaque pharmacien doit comprendre ses propres traits de personnalité et élaborer des stratégies permettant de neutraliser ceux qui contribuent à l’épuisement.2 L’administration de la pharmacie peut créer un environnement pour aider les pharmaciens à y parvenir et à réduire l’épuisement au minimum. De tels efforts pour aborder la santé mentale, que ce soit à l’échelle des pharmaciens ou, collectivement, des services de pharmacie, sont souvent décrits comme des programmes de bien-être ou de mieux-être.4

Blue et al.1 suggèrent que les facteurs contribuant à l’épuisement professionnel dans l’échantillon de leur étude comprenaient diverses caractéristiques professionnelles. Par exemple, le fait de ne pas exercer pleinement ses compétences, les exigences excessives en matière de garde ou d’heures supplémentaires, l’attribution de tâches non cliniques sans avoir suffisamment de temps pour les exécuter et le manque de reconnaissance des travaux effectués. Les administrateurs de pharmacie doivent reconnaître l’existence de ces facteurs et d’autres qui contribuent aux frustrations de leurs pharmaciens, ainsi que des obstacles à leur résolution. En explorant des méthodes pour surmonter les obstacles qui entravent la prestation de soins de haut niveau aux patients, tout en maintenant une charge de travail raisonnable, les administrateurs peuvent aider les pharmaciens à rester engagés dans leur rôle. Ces facteurs organisationnels ne sont pas faciles à aborder, mais sans entreprendre de tels efforts, ils continueront de contribuer à l’épuisement professionnel. La mise en œuvre de stratégies pour améliorer l’adéquation des pharmaciens à leur poste (y compris en leur permettant d’exercer pleinement leurs compétences), la reconnaissance régulière de leurs contributions et la possibilité d’élargir leurs connaissances, leur impact et leurs responsabilités (c.-à-d., la création d’un cheminement de carrière potentiel) constitueraient des éléments bénéfiques pour réduire au minimum le développement de l’épuisement professionnel.2,3 Grâce à ces processus, notre « époque intéressante » pourrait devenir une expérience positive.

Références

1 Blue CL, Gould ON, Clarke C, Naylor H, Mackenzie M, Burgess S, et al. Burnout among hospital pharmacists in Canada: a cross-sectional analysis. Can J Hosp Pharm. 2022;75(4):326–34.

2 Rech MA, Jones GM, Naseman RW, Beavers C. Premature attrition of clinical pharmacists: call to attention, action, and potential solutions. J Am Coll Clin Pharm. 2022;5(7):689–96.
Crossref  

3 Hagemann TM, Reed BN, Bradley BA, Clements JN, Cohen LJ, Coon SA, et al. Burnout among clinical pharmacists: causes, interventions, and a call of action. J Am Coll Clin Pharm. 2022;3(4):832–42.
Crossref  

4 Pillinger KE, Treptow CF, Dick TB, Jones CMC, Acquisto NM. Development and implementation of pharmacy department and pharmacy resident well-being program. Am J Health Syst Pharm. 2022; 79(16):1337–44.
Crossref  PubMed  


Glen Brown, Pharm. D., F.C.S.H.P., B.C.P.S., B.C.C.C.P., travaille à la pharmacie de l’Hôpital St Paul à Vancouver (Colombie-Britannique). Il est également rédacteur adjoint du Journal canadien de la pharmacie hospitalière

Conflits d’intérêts: Aucune déclaration. ( Return to Text )


Adresse de correspondance: Dr Glen Brown, Pharmacy, St Paul’s Hospital, 1081 Burrard Street, Vancouver BC V6Z 1Y6, Courriel: gbrown@providencehealth.bc.ca

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Canadian Journal of Hospital Pharmacy, VOLUME 75, NUMBER 4, Fall 2022